L’œuvre
de “Kim’ha dé-pis’ha”,
textuellement “La farine de Pessa’h”,
à Casablanca, était dirigée bénévolement
par trois personnes : Eliézer Boros, zal, Aharon Sabah,
zal et moi-même.
Pourim passé, nous nous mettions immédiatement au
travail jusqu’à la veille même de Pessa’h.
A la veille de notre campagne de collecte des fonds, Aharon passait
parmi les commerçants pour leur annoncer notre prochain
passage chez eux : “Demain, le rabbin passera vous voir
pour l’œuvre de “KIM’HA DE-PIS ‘HA”.
Après avoir épuisé la première liste
des grands commerçants, nous nous attaquions à la
seconde puis à la troisième.
Naturellement les dons recueillis allaient en diminuant en conséquence
pour se terminer avec quelques dons bien modestes, mais toujours
accordés de bon cœur et avec mille excuses de ne pouvoir
faire plus…
Il
ne m’est jamais arrivé de demander a un donateur
d’augmenter son don, pour la bonne raison que j’estimais
que ce qu’il avait donné il l’avait fait de
bon cœur et selon ses possibilités.
Il
y avait enfin ceux qui n’attendaient pas notre visite pour
nous faire parvenir leurs dons.
Une
année, le Service d’assistance sociale du Comité
de la Communauté de Casablanca m’avait demandé
de faire un effort particulier pour certaines familles particulièrement
nécessiteuses ne répondant pas aux critères
stricts définis par le Comité.
Ils me proposèrent de m’envoyer leur recommandation
pour ces familles afin que je leur accorde une aide supplémentaire,
en plus de celle que ces familles recevaient.
J’acceptai de le faire, pensant qu’il ne s’agirait
que de quelques cas isolés, mais quand je reçus
la liste, il s’avéra qu’elle était particulièrement
longue, bien au-delà de nos possibilités. Que faire?
Ne
sachant où trouver l’argent nécessaire, je
demandai conseil à quelques amis qui me suggérèrent
alors de m’adresser à la “Joint américaine”.
Arrivé au bureau du délégué de la
"Joint", le spectacle me glaça.
Il y avait des dizaines de personnes qui attendaient leur tour
pour être reçues par le directeur.
L'administrateur me fit comprendre que la “Joint”
n’avait pas de budget pour une telle action.
Je décidait de voir le délégué lui-même.
Ma démarche lui rappelait son père qui s’attelait
à l’œuvre de “Kim’ha dé-Pis’ha
de Pourim à Pessa’h et fut la source d'une grande
émotion.
Il téléphona aussitôt à l’administrateur
que j’avais déjà vu, lui demandant le relevé
des matières de première nécessité
encore disponibles : leurs stocks en sucre, vin et matsot. Il
répondit qu’ils étaient nuls.
Et le thé, et le café ? Je lui répondis que
pour le café nous avions déjà un donateur.
Il me remit alors un chèque pour l’achat de l’équivalent
de mille litres de vin et me demanda d'établir la liste
de nos besoins en sucre, galettes, thé, café, huile,
savon.
Il me demanda de lui présenter chaque année la liste
de nos besoins tant qu’il serait en poste.
Je demandai aux responsables de la distribution de ne renvoyer
personne les mains vides et la même tradition se maintint
au cours des quatre à cinq années qui suivirent
jusqu’à mon aliya.
Mais même après je ne manquais pas chaque année
à Pourim d'encourager mes amis Eliezer et Aharon à
poursuivre l'œuvre.
Ils le firent jusqu’à leur propre aliya.
Cette œuvre de Kim’ha dé-Pis’ha, je l’ai
héritée de mon père qui l’avait commencée
à Meknès, mais elle était limitée
aux seuls membres de la ‘Hébra Liviat ‘Hen.
En m’installant à Casablanca, je la repris à
une plus grande échelle.
Cela a commencé par la générosité
du Rabbi Abraham Ouaknine, qui chaque année nous faisait
don de 400 Kg de blé cacher pour la fabrication des “matsot
chémourot” pour le Séder.
Le Grand Rabbin Chalom Messas en faisait de même et nous
pouvions fournir ce produit à presque toute la communauté.
Cela s’est poursuivi jusqu’à l’année
de mon aliya en 1973.
Rahamim
BENAMARA |